Date / Heure : dimanche 19 mars 2023 à 10:30
Lieu : Salle Alain Colas
Jacques Darras est poète et linguiste. Ayant soutenu un doctorat d’anglais sur Joseph Conrad au lendemain d’études à la rue d’Ulm il a enseigné la poésie britannique et américaine à l’Université de Picardie. Il a traduit Walt Whitman, William Blake, Samuel Taylor Coleridge, Malcolm Lowry et adapté les Poètes médiévaux du Nord de la France. Il a reçu le Prix Apollinaire (2004) et le Grand prix de Poésie de l’Académie française (2006).
Le mot « Nord », dans la langue française, a un pouvoir que nous qualifierons de « pouvoir de radiation » extraordinaire, excédant les étroites frontières administratives du seul département. Conforté, au siècle précédent, par l’exploitation minière du charbon, cette lumière noire a pour ainsi dire totalement occulté les réalités géographiques et surtout historiques du lieu. Reconnaissons donc que la nouvelle réforme administrative de 2016 associant la région Nord (Pas-de-Calais) à la région Picardie, qui aura été accueillie avec un enthousiasme pour le moins modéré, offre l’opportunité d’un réexamen en profondeur de l’histoire nationale. Depuis les Comtes de Flandres et les Ducs de Bourgogne jusqu’aux conquêtes monarchiques parisiennes d’Arras et de Lille, les historiens ont sinon totalement gommé du moins très mal expliqué le très glorieux passé du nord de la France au sens large. Particulièrement sensible, quant à moi, à la langue et à la littérature ayant donné son souffle à notre vaste région, j’ai cherché à réveiller les immenses qualités de dynamisme, d’ouverture aux autres et de prospérité qui firent sa richesse. Dans l’anthologie littéraire Tout Picard que j’étais publiée en 2020, j’ai renoué ou plutôt recousu l’immense tapisserie arrageoise qui, à travers les siècles, court d’Adam de la Halle et de Jean Bodel aux chroniqueurs Jean Froissart et Jean Molinet jusqu’aux poètes Marceline Desbordes-Valmore et Pierre-Jean Jouve et aux romanciers Georges Bernanos et Roland Dorgelès. Est apparu plus nettement que jamais le socle poétique solide qu’avait enfoui la poussière des guerres européennes et l’indifférence hexagonale. Je crois sincèrement avoir réalisé la première intervention, à mémoire ouverte, de la moitié nord de la France devenue hémiplégique malgré elle.